Poésie
©Claire Gandanger
©Barbara Boisier
Claire Audhuy
De mes guerres pour de faux, de mes blessures pour de vrai
Gaëlle Axelbrun
J'ai sous-titré mon enfance pour faire du drame en sépia
Mon grand amour mon chéri la terre sent si bon quand la pluie vient l'embrasser fais avoir moi ce que la pluie fait à la motte de terre écrase-moi épouse-moi serre-moi que mon parfum dise tout haut ce que l'on s'est dit tout bas
Hier au bal j’ai regardé ma mère danser parmi les femmes aux pieds serrés dans leurs chaussures à talons les mollets gainés, le port fier et le pas lent pas sensuel mais : mélancolique j’ai regardé le Milonga et les corps sous les robes et les chemisiers qui faisaient croire à la jeunesse les fesses des hommes (que je connais) les dos des femmes (que je comprends)
©Barbara Boisier
©Ailin Catherine
Lise-Anne Carme
Màmme
Lucie Lebrun
L'ombre d'une vie
Ma fille me réveille chaque matin avec ces mots à la bouche, un appel Mama, wir sprechen Deutsch Ma fille m'a appris la mélodie Ma fille m'a donné un bout de langue, qui est l'essentiel Ma fille me fait parler Ma mère m'a rendue muette J'ai rempli le silence avec des histoires inventées J'ai rempli le silence avec son silence J'ai respecté son silence avec ma bouche muette Ne pas parler alsacien Dit ma mère Dit ma mère à mon père Dit mon frère à ma grand-mère Dit l'école à ma mère, à mon père Ecrit sur les murs de la ville Affiches de l'après-guerre Surgit dans l'intime de notre famille Ecriture Interdit dans nos têtes les mots alsaciens Ravalée la langue maternelle
Cher colocataire De mon espace mental L’image de ton corps M’arrache au mal Relève les morts Donne le signal Le son de ta voix Ne me quitte pas J’écris J’enlève le moisi Je nous éclaircis Trouve la résilience Nuage d’innocence Je me relis Avec la distance Je perçois le sens De nos existences
©Barbara Boisier
©Accalmia
Myriam Sonzogni
Tes filles
Sylvia Undata
Peux-tu vraiment rester debout
Tes filles sont fières et insolentes. Leur front se dresse dans un sourcil d'écume invitant le mouvement d'une marée. De quoi auraient-elles honte ? Leurs mains vont où elles veulent. Sauvages, indomptées, tes filles s'explorent en marge des fers qui repassent et plient depuis des siècles, les corps amidonnés. Vois-tu leur silhouette danser sur le ciment des prisons ?
Ne sais-tu donc où roulent trempées d’orages et de boue les billes de Lune que le Vent t’avait confiées? Tu dois les chercher dans tes ravins de doutes et derrière tes rêves clôturés. Peut-être même au fond de tes rutilants enfers. Cristallin alors sera le rire caché dans tes poings. À la sortie des cendres un petit soleil neuf dans tes pupilles revernies.